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Voyages_Voyages
12 janvier 2020

Rituels (Lorient 2)

Facebook… Quelques amis parmi les rares que je vois régulièrement sur Facebook m’ont plusieurs fois remarqué que ce que j’écrivais là était censé disparaître dans quelques jours. D’une part c’est faux car non visible ne signifie pas disparu. Au contraire, si l’on peut faire un reproche à Facebook, c’est celui de s’emparer de tout à des fins qui lui sont propres et d’en conserver une mémoire presque éternelle. Mais là n’est pas le sujet. Ces amis pensent en fait que je ferais mieux de publier. C’est totalement méconnaître l’économie de l’édition car une quantité astronomique de publications disparaissent dans l’autodafe du pilonnage ou dans divers types de destructions plus ou moins honnêtes ou avouables. J’ai eu ainsi personnellement deux ouvrage détruit dès impression, un soi-disant dans l’incendie d’une imprimerie, l’autre dans une inondation des réserves. Et même, en dehors de cela, la durée de vie des ouvrages, hormis quelques uns qui ont eu l’honneur de plaire à quelques critiques ou bibliothèques disparaissent lentement mais de façon inexorable. Il suffit de regarder ma collection d’ouvrages littéraires de plus de 300 ans pour s’en persuader. Là n’est donc pas le cœur de ce que mes amis veulent dire. Ce genre de réflexion révèle la difficulté pour les lecteurs actuels d’entrer dans le monde du numérique. pour eux, l’écrit ne peut se justifier que dans la matérialité du papier : tout écrit est fait pour être solidifié et non rendu universel et évanescent par le numérique. Désir d’éternité ainsi avoué, on n’écrit pas pour l’instantané ou une poignée d’amis mais pour l’humanité tout entière. Rien de tel en ce qui me concerne. Si j’écris sur Facebook c’est pour donner de vraies nouvelles à de vrais amis ou à ceux, qui ayant choisi de me demander d’être de mes amis, appartiennent désormais à ce réseau dont ils disparaissent aussi vite qu’ils y apparaissent s’ils ne se manifestent jamais. Chacun sur Facebook est dans cette posture, ce qui explique en grande partie l’extrême banalité de ce qui est échangé car très rares sont ceux, trois ou quatre peut-être en ce qui me concernent, qui y donnent de vraies nouvelles. Or c’esr cela que j’attendrais d’eux, qu’ils s’engagent et me parlent d’eux de leurs vies, de leurs sentiments, de leurs joies, de leurs souffrances et ne se contentent pas de ces insiginifiants j’aime ou je déteste. La plupart d’entre eux n’agissent pas mais réagissent. 1984 est passé par là, la peur de l’universelle surveillance… mais en quoi le fait que ce que je dis de ma vie puisse être lu par n’importe qui ou, pire, par des algorithmes est-il si effrayant. Toute publication, qu’elle soit papier ou autre, est soumise à un tel risque. Écrire c’est toujours se mettre nu, s’exposer et ni ne revendiquer l’exposition, ni la craindre. D’autant qu’il y a toujours quelque chose d’universel dans toute publication en apparence aussi banale que “ce matin, Le Relax, le café de Lorient où j’inaugure rituellement mes journées est fermé” et cela me met mal à l’aise car cette journée commence mal. Il suffit de voir le nombre d’habitués qu’il y a chaque matin. Nous sommes tous construits de petits rituels, la plupart conscients, mais aussi inconscients qui nous donnent une ossature car, sinon, le risque de s’écrouler est immense. Ce matin je suis donc perturbé — rassurez-vous, je résisterai — mais l’absence de ce rite et le fait qu’il fasse un temps si magnifique qu’on se croirait sur la côte d’azur ne peut que casser ce que je suis venu faire ici, me jeter dans une Bretagne dure, imprévisible, sauvage, celle que je connaissais quand j’y vivais il y a cinquante ans. Je me promenais des heures sur une côte sauvage, sans garde-fous et solitaire, un territoire presque originel. Aujourd’hui, impossible, tout est balisé, les “chemins” sont sécurisés et pleins d’interdictions, d’injonctions de conseils. Une nature de parc d’attraction où pullulent mobil-homes, caravanes et maisons secondaires toutes semblables entre lesquels on aperçoit des bouts assagis de mer. Fontainebleau, finalement, est beaucoup plus sauvage.

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