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Voyages_Voyages
5 février 2020

Dernier jour

Pourquoi les derniers jours sont-ils toujours difficiles ? Bien sûr il y a mon âge, il y a que mes amis vieillissent comme moi et que je ne suis sûr ni de revenir à Lorient ni de revoir mes amis Jappé. Plus de cinquante ans d’amitié qui ne se sont jamais démentis, plus de cinquante ans de partage de la peinture de Jean-Paul même si, je dois l’avouer, sa période que j’ai préférée, celle dont j’ai de nombreux tableaux dans mes appartements, est celle si sensible, les acryliques des années quatre vingt dans lesquels il a su me faire voir les paysages et surtout les lumières bretonnes. Son choix a été d’abandonner, de se tourner vers une peinture totalement figurative mins tendue qui, dfit-il, l’épuise moins psychiquement. Pourtant il a, dans certains de ses tableaux, comme ceux de Keroman, de la base sous-marine ou de certains commerces (j’aime beaucoup son “bistro du port” de Lomener) établi une certaine distance par rapport au réel, un peu comme Hopper ou Morandini, mais à sa manière propre, trouvé dans une forme aboutie de figement de la réalité une ouverture sur quelque chose d’autre, un certain mystère presque métaphysique. Je quitte donc Lorient avec un certain regret d’autant que si je reste fidèle à mes “règles” et, en général, j’ai  sur ces points l’esprit assez rationnel et systématique, certains diraient algorythmiques tant je suis fidèle à ce que j’appelle mes petits rituels qui me donnent un début de colonne vertébrale. D’autant donc que je n’y reviendrai plus jamais, du moins sur une aussi longue période ce qui explique certainement cette espèce de nostalgie douce qui m’a suivie tout le jour. Mais il y a tant de lieux des plus riches aux plus pauvres dont j’ai envie de m’emparer totalement en y émergeant ma mélancolie, la mélancolie ineffaçable des absences, pour un temps assez long ! Aujourd’hui donc, machinalement presque, j’ai fait le tour de la ville pour n’en rien oublier : comme chaque matin je suis allé aux halles pour m’acheter des crèpes fraîches et boire le meilleur café que j’ai trouvé ici, je suis allé acheter mes journaux avec le jeu qui m’amuse et qui amuse aussi la marchande nous rendant d’une certaine façon, dix secondes complices — mais l’espèce d’agoraphobie que je traîne m’a toujours fait craindre les longs contacts humains —, à ne jamais savoir à l’avance s’il y aura à la fois Le Monde et Libération, ou aucun, ou l’un ou l’autre aléatoirement, puis je me suis installé au “Relax” le café où, tous les matins je parcours les journaux régionaux y glanant parfois une nouvelle avant de me lancer dans des marches que je ne décide toujours qu’au dernier moment. Ces rituels, comme celui des nombreuses variantes de piscines, se répètent ainsi un peu de ville en ville avec cependant des variantes qui me sont imposées : pas de journaux ni de café habituel à Stockholm; pas de journaux à Vienne et les cafés que je fréquentais étaient des cafés plutôt bourgeois; un petit café à Rome, et les journaux à la Gare Centrale, mais aussi la nécessité de prendre tous les matins le tram car la banlieue où j’étais, Centocelle, était quand même très éloignée des rues de Rome; pas de café proche sympathique non plus à Séville ou à Madrid et je devais marcher un moment pour en trouver un qui me convenait; etc. Un pauvre tourisme pauvre sans doute mais un tourisme à ma mesure qui ne m’interdisait pas d’aller passer une après-midi au Prado ou au Kunsthistorisches Museum de Vienne même si ce n’était en rien le but essentiel de mes voyages tant les musées me fatiguent et mixent dans mon souvenir les myriades d’œuvres qui y sont présentées.Je vais, je marche, je m’approprie l’espace de la ville… J’ai toujours rêvé de me fondre anonyme, comme un caméléon dans les lieux où je m’installe. Puis je m’en vais. Comme le refus absolu d’une quelconque idée d’installation.

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