Samedi 16 avril 2016

Chaque jour est un autre jour, cette simple constatation minimaliste est celle qui me donne envie de poursuivre. Ce matin, surprise, il fait un soleil splendide et la température est presque estivale. Dès que je sors dans le quartier, l’évidence s’impose que la vie a soudain changé, alors que samedi dernier il n’y avait personne et que je décrivais la ville comme une ville morte, rien de tel, tous les cafés de la Karmeliten Platz autour du marché — et ils sont presque une dizaine — sont ouverts et impossible de trouver une place au soleil. Cela me fait penser à la forêt de Fontainebleau qui semble incolore et puis, à un moment donné, comme à un signal, se trouve envahie de fleurs : tapis de perce-neige, jonquilles, primevères, pervenches comme si pendant la nuit quelqu’un avait décidé de repeindre les sous-bois. Je me promène un peu, bois un café au soleil. Puis j’appelle Elfriede. Elle me donne rendez-vous à midi trente, chez elle. J’y vais donc à pied par un autre chemin, faisant de ci de là quelques « découvertes » comme celle de l’église orthodoxe GriecheStrasse ou celle des restes de la très ancienne enceinte de la ville sur la Stubenstor Platz. J’ai même le temps de m’arrêter à la belle terrasse ensoleillée du Grand Hôtel pour boire un verre.

Elfriede m’embarque dans sa Volvo vers un village à dix-sept kilomètres de Vienne : Laxenburg, ancienne résidence impériale de chasse et de repos. Quand on arrive, difficile de trouver à se garer tant il y a foule. C’est apparemment un lieu très fréquenté par les viennois les week-end ensoleillé. Avant d’entrer dans le château, courte visite à la petite église baroque du village qui ne présente rien de particulier sinon qu’elle est baroque et que sa chaire semble d’or fin tant elle brille. Mais, ici, rien d’original, que ce soit l’église orthodoxe ou la moindre église baroque, l’or est incontournable à la fois signe de richesse, de puissance et de divin : lumière et inaltérabilité. Enfin, il me semble.

Le château n’a quant à lui rien de remarquable : une grande bâtisse sans charme réel avec de multiples dépendances mais le parc est immense et sublime avec de très nombreux sentiers aménagés, ici et là diverses gloriettes de formes diverses depuis le faux temple grec, le pigeonnier, les fausses ruines et le pavillon de la mélancolie (ou des caprices… nous n’avons pas réussi à nous mettre d’accord sur la traduction de die Laune), un canal artificiel, des fausses grottes, des étangs où les visiteurs se promènent en barques électriques, une arène où simuler des joutes cavalières, et sur une île le Franzenburg, un faux château médiéval, tout à fait dans le goût romantique du dix-huitième siècle… Bref un parc d’attraction style Disney avant même que Walt ne soit né. Comme quoi ces aristocrates avaient le sens de l’anticipation. Quelques buvettes, plusieurs restaurants… c’est rempli de familles mais c’est suffisamment vaste pour que l’on ait l’impression d’y être seuls. Nous y avons même vu deux biches qui traversaient entre deux bosquets. Nous y avons fait une longue marche. En fin d’après-midi, le temps a changé, l’orage menace : nous sommes rentrés à Vienne. Après un court passage chez Elfriede pour coordonner nos agendas, je rentre chez moi mais j’ai assez marché pour prendre le tram qui de la Johann Strauss Strasse m’amène au Shottering, à cinquante mètres de l’appartement que j’occupe.

Demain sera un autre jour.

Laxenburg

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