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Voyages_Voyages
14 janvier 2020

Photographier (Lorient 4)

Aujourd’hui, temps breton hivernal presque idéal : pluie continue et vent brumisateur qui tonifie le visage. Autant dire que le parapluie est un accessoire inutile et que l’on est rapidement trempé. Je ne trouve pas ça désagréable mais j’ai quand même décidé d’en profiter, mon rhume étant en voie d’extinction pour aller passer l’après-midi à la piscine. Au moins, mouillé pour mouillé…

 

Depuis que j’ai en 2013, suite au décés de ma femme, de littéralement aller voir ailleurs, foutre le camp, puis d’en tenir un “journal”, suite de réflexions quotidiennes souvent superficielles mais qui me servent de jalons et depuis que j’ai décidé de mener de front un journal photographique, pas un reportage objectif mais plutôt, si l’on veut, un reportage sensuel où je collecte des coups d’œil quotidiens au hasard des rencontres et des plaisirs visuels plutôt que des coups de cœur, depuis ce temps-là, nombreux sont mes amis qui m’ont fait remarquer que mes photos manquaient d’humain. En effet, je photographie rarement des personnes ou, plutôt même, je fais soigneusement attention de ne jamais prendre quelqu’un dans mon objectif.

Plusieurs raisons à cela. Une anecdote expliquera la première. Il y a deux jours, à Lomener, j’étais dans un café et j’avais posé mon appareil photo, objectif tourné vers la salle, bien en évidence vers la salle. Je discutais avec une vieille dame, rencontre aléatoire comme il est facile d’en faire en Bretagne où les gens se parlent volontiers entre inconnus. Alors la patronne du bistro, qui avait l’air un peu gênée, vint me rappeler “le droit à l’image”, expression bien technique pour le lieu et me dire qu’un de ses clients se plaignait que je le photographiais. Je lui prouvais vite le contraire. Ceci pour dire que dès que l’on pointe son appareil dans la direction d’une personne ou d’un groupe que l’on n’a parfois même pas remarqué, des regards plus ou moins agressifs vous font vite comprendre que ce que vous faites n’est pas bien. Que craignent-ils pourtant ? J’ai même été une fois, à Montpellier, physiquement agressé dans une petite rue par un homme très énervé  exigeeant que je détruise tous mes clichés alors que, photographiant une église, je ne l’avais même pas vu. Le thème de la surveillance généralisée est-il à ce point ancré dans les cerveaux actuels que chacun se sente sous contrôle. Quand je me souviens des nombreuses photos de personnages que je faisais autrefois et pour lesquelles j’étais souvent remercié d’un sourire… Je comprends bien que l’on n’aime pas être exposé de façon négative, mais un groupe passant dans un pays sauvage ? On ne peut plus que prendre en photo des personnages lointains ou dans un contrejour anonymisant. Du coup, je m’abstiens soigneusement même si cel me prive, souvent, d’images intéressantes d’un point de vue plastique. Rien ne m’empêche pourtant de décrire de façon assez réaliste pour que la personne décrite sois reconnaissable un être de rencontre. Le texte ne porte pas les mêmes suspicions que l’image.

La seconde raison qui n’est pour moi pas moins importante, c’est que j’aime la solitude. Un peu trop peut-être selon mes amis et mes proches et quoi de mieux que de vastes paysages vides pour en donner le sentiment. Ainsi, à côté de mes photos vides d’humains, juste à côté, mais hors-cadre pouvaient se trouver des foules que j’ai, très soigneusement éliminées. Mes photos sont des photos sentimentales. Mes villes sont vides, mes campagnes sont vides, mes paysages marins, mes montagnes… sont, pour la plupart, vides. L’impression que je veux communiquer est que j’y suis seul et j’aimerais que ceux qui y jettent un œil se sentent, à leur tour, dans cette même solitude car il est si rare, de nos jours, de se trouver seul, même dans les paysages d’accès difficile.

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