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Voyages_Voyages
5 mai 2017

Je suis transparent

Ma femme me l’a toujours dit : je suis transparent. Les vendeurs, ou vendeuses, des marchés ne me voient pas et servent de nombreux autres clients alors même que c’est mon tour. Je peux disparaître des soirées mondaines, amicales, des rencontres politiques, des conférences… sans que personne ne s’en aperçoive. Je suis vraiment transparent. Ce matin encore, j’entre dans une pasteleria pour commander un café et une espèce de pain au raisin dont j’ai oublié le nom qui avait une consonance germanique, j’ai beau me planter devant le comptoir, la jeune — et mignonne — serveuse ne me voit pas et continue sans sourciller ce qu’elle est en train de faire, je vais me planter devant une autre, même conséquence : rien. Il ne se passe rien. Il faut que je me décide à l’interpeller deux fois, « por favor », de plus la seconde en haussant le ton « por favor, señorita » pour qu’enfin elle me regarde et me dise « olla », signe, ici, habituel de reconnaissance et qu’elle accepte de prendre ma commande. Dans la rue des passants, comme ce grand hipster à barbe très noire calle Mayor apparemment très pressé, me heurtent du coude, des femmes de leur sac à main sans s’excuser comme s’ils n’avaient rien senti, rien vu. J’ai beau m’habillee de couleurs vives, jaune, rouge, bleu pétant, je suis couleur muraille. Seuls les enfants (et les  mendiants…), les petits, quatre à six ans, me sourient sans que je ne leur demande rien. Pour eux, semble-t-il, je ne suis pas transparent. Ou alors c’est ma transparence même qui les amuse…

Il est vrai que je marche lentement dans les rues, me plie rarement au rythme général, enfermé dans une espèce de méditation ambulatoire, j’accueille le spectacle des rues, des gens, les rayons de soleil, les gouttes de pluie quand il y en a, les sons, et même les sirènes hurlantes de la police ou des ambulances, avec une certaine générosité. J’absorbe totalement le monde dans lequel je me déplace et trouve à cette marche sans but défini une jouissance extrême. Je dois certainement alors me fondre dans le décor et c’est sûrement pour cela que personne ne me voit, quelque chose comme un zombie. Je peux ainsi, même lorsque c’est interdit, même lorsqu’il y a un gardien obligatoirement attentif prendre des photos de l’intérieur du Palais Royal alors qu’il est bien précisé que cette prédation visuelle est totalement inacceptable. Je suis transparent et je me demande parfois ce qu’il me faut faire pour qu’on me remarque.

Sauf à la piscine. Sauf à la piscine. Ma transparence doit être soluble à l’eau car lorsque, dans ma « calle » (c’est ainsi que l’on nomme ici les couloirs), je passe un nageur en doublant parce qu’un autre vient en face et ne peux m’empêcher de le toucher ou lorsque, à l’inverse, un nageur double et me heurte, j’ai entendu plusieurs fois des protestations. Je me souviens même d’une dame, assez volumineuse, il est vrai qui se sentit obligé de saisir ma jambe en signe de protestation, ce que je n’ai guère apprécié. D’autres cas encore dont je ne parlerai pas ici. Peut-être est-ce là une des raisons du plaisir que j’éprouve à nager : l’impression que là au moins, je n’absorbe pas l’environnement mais que c’est lui qui s’occupe de moi.

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Commentaires
P
T'as essayé de traverser le mur de ta chambre ? Ou d'un bâtiment public pour éviter une queue ? Ou du restaurant pour faire un tour inquisitoire en cuisine incognito ? <br /> <br /> Et qd tu prends une douche , c'est soluble aussi ? Ou faut-il nécessairement une certaine masse d'eau pour absorber la puissante résistance que représente ta transparence ? <br /> <br /> T'as vérifié ta nourriture et tes boissons ? Un indice étiologique ?
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