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Voyages_Voyages
13 avril 2014

une élégance trop visible

V_Lisbonne

13 avril 2014

Comme presque tous les jours le matin, brume épaisse que le soleil ne commence à percer selon les jours qu’entre midi et quatorze heures. Ensuite grand soleil. Le martin, pull-over et veste, l’après-midi tee-shirt et bras nus. De cette ville émane une tranquillité et une paix étonnante comme si c’était une ville de province qui aurait trop grandi car, mis à part les deux quartiers de la Baixa et du Chiado, il n’y a presque personne dans les rues et le calme est souverain.

Hier j’ai sacrifié aux devoirs de tout touriste, c’est-à-dire consommer du monument. J’ai pris l’electrico 15 et suis allé à Belem voir sa célèbre tour du quinzième siècle et surtout le monastère de San Jeronimo. Foule assurée, aussi bien dans le tram que sur place. Ça vaut le détour comme diraient les guides, la dentelle de pierre du monastère est impressionnante, son cloître magnifique mais, on fait le tour en une demi-heure, on fait des dizaines de photos, se bousculant un peu avec d’autres photographes souvent munis d’appareils impressionnants pour trouver le bon angle, la bonne perspective, mais, finalement, photos ni plus ni moins intéressantes que des dizaines d’autres que l’on peut trouver sur Internet ou dans les magasins de cartes postales, et après ? Après ne restent que les bistrots et les restaurants chers et bondés, le beau jardin sur le Tage avec sa curieuse tonnelle asiatique où j’ai flâné un moment puis… retour sur le cœur de Lisbonne où je me sens bien plus à l’aise. Ces visites de monuments me laissent toujours sur ma faim car on n’y découvre rien, on n’y trouve que ce que l’on savait déjà y trouver. Voyager ainsi est pour moi l’horreur absolue. Je n’ai pas besoin d’avoir vu ce qu’il fallait voir, mais de voir ce qui, à un moment ou un autre, fait sens pour moi et, si faire se peut, pour moi seul, emporter le souvenir personnel d’un fragment d’émotion tout en sachant qu’il ne se partagera pas vraiment puisque, pour l’éprouver, il faut être dans son contexte précis. C’est pour cela entre autres choses que la photographie est difficile. Par exemple, dans le bus du retour — le 114 pour ceux que ça pourrait intéresser — ce que j’aurais aimé filmer c’est le trio, manifestement de milieu très modeste, peut-être campagnard, qui est monté dans le bus, une mère (une grand-mère plutôt) avec ses deux petits fils, fluette, fragile, tenant mal sur ses jambes qui ne voulait pas la place que je lui ai cédé mais qui l’a prise sur l’insistance de l’aîné, une cinquantaine d’années, voix forte s’imposant à la ronde, très droit, mâle dominant, presque raide, type même du mafiosi sûr et fier de lui, avec une élégance trop visible, costume neuf, cravate, chaussures cirées à la lisboète, coupe de cheveux mi-longs, qui lui portait son sac à provision. Ils parlaient portugais car j’ai saisi plusieurs mots mais avec un accent curieusement empâté et traînant, presque à la sicilienne. Le plus jeune, trente ans environ, bien habillé aussi, mais pas élégant, comportement modeste, effacé peut-être, léger strabisme, petite moustache, l’air un peu débile mais très attentif à la vieille dame, se penchant sans cesse sur elle sous le regard critique de l’aîné. Je regrettais ne pas comprendre leur conversation car cette petite scène me remplit l’imaginaire.

Ce sont ces petits bonheurs personnels qui me donnent encore envie de vivre.

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